Elsevier

L'Encéphale

Volume 31, Issue 2, April 2005, Pages 195-206
L'Encéphale

Épidémiologie
Usage des psychotropes et troubles psychiatriques en France : résultats de l’étude épidémiologique ESEMeD/MHEDEA 2000/ (ESEMeD) en population généralePsychotropic drug use and mental psychiatric disorders in France ; results of the general population ESEMeD/MHEDEA 2000 epidemiological study

https://doi.org/10.1016/S0013-7006(05)82386-3Get rights and content

Résumé

Introduction

L’usage de psychotropes est important en France et augmente depuis deux décennies. À ce jour, aucune étude nationale confrontant cet usage au diagnostic des troubles psychiatriques n’a été réalisée. L’étude ESEMeD/MHEDEA 2000 permet d’avoir une idée précise des conditions d’usage des psychotropes et de mettre en perspective la France par rapport à cinq autres pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Hollande et Italie).

Les objectifs étaient

(1) décrire l’usage des psychotropes déclarés (globalement et par classe thérapeutique) afin d’en évaluer la prévalence annuelle, les durées de traitement et les facteurs démographiques associés à leur utilisation. (2) estimer la proportion des sujets présentant un trouble anxieux, dépressif ou lié à l’alcool (abus ou dépendance) qui sont effectivement traités par un antidépresseur (AD) ou un anxiolytique-hypnotique (AX-HY). (3) évaluer la proportion des usagers de psychotropes répondant aux critères diagnostiques de troubles dépressif, anxieux, ou lié à l’alcool.

Méthode

Il s’agit d’une enquête transversale réalisée en 2001-2003, en population générale, chez des sujets âgés de plus de 18 ans et non institutionnalisés, vivant en Allemagne (n = 3 555), en Belgique (n = 2 419), en Espagne (n = 5 473), en France (n = 2 894), aux Pays-Bas (n = 2 372) et en Italie (n = 4 712). En France, la base de sondage utilisée était une liste de numéros de téléphone générés aléatoirement. Les sujets ont été interrogés à leur domicile par des enquêteurs professionnels. Le questionnaire WMH-CIDI a été utilise.

Résultats

En France, 21 % des sujets interrogés (n = 590) avait pris au moins une fois un psychotrope dans l’année. Il s’agissait d’un anxiolytique-hypnotique (AX-HY) pour 19 %, d’un antidépresseur (AD) pour 6,0 %, d’un antipsychotique (AP) pour 0,8 % et d’un thymorégulateur (TY) pour 0,4 %.La répartition des usagers d’AX-HY selon le nombre de jours de traitement était la suivante : 44 % (1-15 jours), 13 % (16-30 jours), 14 % (1-3 mois), 6,7 % (3-6 mois) et 23 % (> 6 mois). Pour les AD, la répartition était : 21 % (1-15 jours), 7,8 % (16-30 jours), 18 % (1-3 mois), 12 % (3-6 mois) et 42 % (> 6 mois). Parmi les personnes qui répondaient aux critères de trouble dépressif dans l’année ou au cours de la vie, 43 % et 29 % respectivement avaient pris un AX-HY dans les douze derniers mois, 29 % et 16 % un AD. Pour ceux qui répondaient au diagnostic de trouble anxieux dans l’année ou au cours de la vie, l’usage d’AX-HY, dans les douze derniers mois, a concerné 43 % et 30 % des sujets tandis que celui des AD concernait 16 % et 14 %. En cas de trouble lié à l’alcool dans l’année ou sur la vie, l’usage d’AX-HY, dans les douze derniers mois, a concerné respectivement 63 % et 22 % de ces sujets et l’usage des AD, 9,3 % et 7,2 %.Chez les usagers d’AX-HY au cours des douze derniers mois, un diagnostic de trouble dépressif a été retrouvé parmi 16 % sur l’année et 39 % au cours de la vie. Chez les usagers d’AD, les prévalences respectives étaient de 31 % et 64 %. Un diagnostic de trouble anxieux sur l’année et au cours de la vie a été retrouvé parmi 22 % et 37 % des usagers d’AX-HY et parmi 27 % et 50 % des usagers d’AD respectivement. Un diagnostic de trouble lié à l’alcool sur l’année et au cours de la vie a été retrouvé parmi 2,5 % et 6,6 % des usagers d’AX-HY et parmi 1,1 % et 7,8 % des usagers d’AD respectivement.Le taux d’usagers d’AX-HY ne répondant à aucun des diagnostics précédents était de 68 % sur l’année et de 46 % au cours de la vie. En ce qui concerne les usagers d’AD ne répondant à aucun des diagnostics précédents, ce taux s’établissait à 56 % sur l’année et à 20 % au cours de la vie.La comparaison des données françaises à celles de l’échantillon européen montre que la prévalence annuelle de l’usage des AX-HY et des AD est plus élevée en France avec des durées moyennes d’usage plus courtes. Pour les AP et les TY, il n’existe pas de différence nette entre la France et l’ensemble des six pays de l’étude.

Discussion

Depuis deux décennies, l’usage des AX-HY semble avoir diminué en France, même s’il reste plus élevé que celui observé dans les autres pays de l’étude. Cet usage plus important peut, en partie, s’expliquer par le fait qu’il correspond, dans la moitié des cas, à un usage ponctuel. En revanche, l’usage des AD a augmenté. Chez les sujets présentant des troubles dépressifs ou anxieux récents, l’usage des AX-HY reste plus important que celui des AD. Enfin, parmi les usagers des AX-HY, seulement la moitié a présenté un épisode anxieux, dépressif ou lié à l’alcool au cours de leur vie, alors que cette proportion s’élève à 80 % chez les usagers des AD.

Remerciements

Ce projet a été soutenu financièrement par la Commission Européenne (Contrat QLG5-1999-01042) et a été développé grâce au soutien humain et financier du Laboratoire GlaxoSmithKline que nous remercions chaleureusement. L’étude ESEMeD/MHEDEA 2000 (The European Study of Epidemiology of Mental Disorders/Mental Health Disability : a European Assessment in the year 2000) a été menée conjointement avec l’Organisation Mondiale de la Santé : World Mental Health Survey Initiative (http://www.hcp.med.harvard.edu/wmh/). Nous remercions l’équipe coordinatrice World Mental Health (WMH) pour leur aide concernant les outils de mesure et pour leur conseil en matière de procédures opérationnelles.

Summary

Introduction

The use of psychotropic drugs is high in France and has increased over the last two decades. To date, no national study evaluating psychotropic drug use in the context of the diagnosis of psychiatric disorders has been performed. Such data has now been generated in the ESEMeD/MHEDEA 2000 study, which has allowed comparison of the situation in France with that in five other European countries (Germany, Belgium, Spain, the Netherlands and Italy).

Objectives

1) To describe the declared use of psychotropic drugs (globally and by therapeutic class) in order to evaluate annual prevalence, treatment duration and demographic factors associated with use. 2) To estimate the proportion of subjects with an anxiety disorder, mood disorder or alcohol-related disorder (abuse or dependence) that have been appropriately treated with an antidepressant or anxiolytic drug. 3) to evaluate the proportion of psychotropic drug users who fulfil diagnostic criteria for these three classes of psychiatric disorder.

Methods

This was a transversal survey carried out between 2001 and 2003 of non-institutionalised subjects aged 18 or over in the general population of Germany (n = 3 555), Belgium (n = 2 419), Spain (n = 5 473), France (n = 2 894), the Netherlands (n = 2 372) and Italy (n = 4 712). In France, the sampling source used was a randomly generated list of telephone numbers. Subjects were interviewed at home by professional interviewers. The WMH-CIDI questionnaire was used.

Results

In France, 21 % of subjects interviewed (n = 580) had taken at least one psychotropic drug during the year. For 19 %, this was an anxiolytic or hypnotic (AX-HY), for 6.0 % an antidepressant (AD), for 0.8 % an antipsychotic (AP) and for 0.4 % a mood regulating drug (TY).The distribution of users of AX-HY according to treatment duration was the following : 44 % (1 to 15 days), 13 % (16 to 30 days), 14 % (1 to 3 months), 6.7 % (3 to 6 months) and 23 % (> 6 months). For users of ADs, the distribution was : 21 % (1 to 15 days), 7.8 % (16 to 30 days), 18 % (1 to 3 months), 12 % (3 to 6 months) and 42 % (> 6 months). For subjects fulfilling diagnostic criteria for a mood disorder in the previous year or over their lifetime, 43 % and 29 % respectively had taken an AX-HY in the last twelve months and 29 % and 16 % an AD. For those who fulfilled diagnostic criteria for an anxiety disorder in the previous year or over their lifetime, the use of an AX-HY, in the last twelve months, concerned 43 % and 30 % of subjects respectively, whilst that of AD concerned 16 % and 14 %. For previous year or lifetime alcohol-related disorders, AX-HY use, in the last twelve months, concerned 63 % and 22 % of subjects respectively and use of ADs 9.3 % and 7.2 %. Amongst users of AX-HY in the last twelve months, a previous year or lifetime diagnosis of mood disorders was made for 16 % and 39 % of subjects respectively. Amongst users of ADs, the respective prevalence was 31 % and 64 %. A twelve-month and lifetime diagnosis of anxiety disorders was identified in 22 % and 37 % of users of AX-HY and among 27 % and 50 % of users of AD respectively. A twelve-month and lifetime diagnosis of alcohol-related disorders was found in 2.5 % and 6.6 % of users of AX-HY and among 1.1 % and 7.8 % of users of AD respectively. 68 % of users of AX-HY had fulfilled none of these diagnostic criteria in the previous 12 months and 46 % had never fulfilled them in their lifetime. With respect to AD users, the proportion who did not meet these diagnostic criteria in the previous 12 months was 56 %, compared to 20 % over their lifetime.Comparison of the French data from the study with those of the entire European sample showed that the annual prevalence of AX-HY and AD use was higher in France with mean treatment durations that were shorter. For antipsychotics and mood regulators, no clear differences were observed between France and the six countries of the study taken together.

Discussion

Over the last two decades, use of AX-HY seems to have decreased in France, even though it remains higher than that observed in the other European countries participating in this study. This high use can be explained in part by the observation that, in around half the cases, it corresponds to occasional use. In contrast, the use of antidepressants has increased. In subjects with recent mood disorders or anxiety disorders, the use of AX-HY remains higher than that of antidepressants. Finally among users of AX-HY, only half of them had presented a mood disorder, anxiety disorder or alcohol use disorder during their lifetime, whereas this proportion rose to 80 % for users of antidepressants.

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      GPs are the first caregivers involved in the diagnosis and treatment of MDD [10,12,13]. GPs face several challenges when dealing with depressive disorders, including diagnosis difficulties [14–16], and therapeutic difficulties, which were highlighted in Canada[17], in France [6,18–20] and in some other European countries, with compliance difficulties for the available recommendations [21]. Among French GPs, some are not aware of the MDD recommendations [22] and those who are, generally consider them little helpful in common practice [23].

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