Faits et arguments
Origines géniques et chromosomiques des anomalies de la spermatogenèse : aspects cliniques et rapports avec les modèles animauxGenetic origin of spermatogenesis impairments: clinical aspects and relationships with mouse models of infertility

https://doi.org/10.1016/S1297-9589(03)00133-4Get rights and content

Résumé

Les troubles de la spermatogenèse humaine apparaissent fréquemment idiopathiques et peuvent alors être dus à des causes génétiques. Des mutations touchant des gènes impliqués dans le contrôle hypothalamo-hypophysaire de la spermatogenèse ont été décrites et expliquent un certain nombre d’hypogonadismes hypogonadotropes. Les anomalies du caryotype retrouvées chez des patients infertiles sont, soit des aneuploïdies touchant principalement les gonosomes X et Y, soit des anomalies de structure entraînant des troubles de la mécanique chromosomique à la méiose et le blocage des cellules germinales. Les microdélétions du chromosome Y, souvent indétectables sur le caryotype, sont responsables de la perte des gènes composant le facteur AZF. La multiplication des modèles animaux mutants chez lesquels existe une infertilité mâle permettra de décrire de nouveaux gènes impliqués dans l’infertilité masculine humaine sous réserve que ces modèles fassent l’objet de la description détaillée de leurs relations génotype–phénotype. La prise en charge des hommes infertiles par les nouvelles techniques d’aide médicale à la procréation rend nécessaire le bilan génétique de ces patients pour des raisons à la fois diagnostiques, en leur évitant par exemple des examens inutiles et pronostiques, en mesurant le risque de transmission d’une éventuelle anomalie causale à leur descendance.

Abstract

Human spermatogenesis failures appear frequently as idiopathic and may be due to genetic causes. Mutations of genes involved in the hypothalamic/pituitary control of spermatogenesis have been described and account for several types of hypogonadotropic hypogonadism. Chromosomal abnormalities found in infertile patients are either gonosomal aneuploidies or structural anomalies which interfere with the normal chromosome behaviour at meiosis and lead to germ cell breakdown. Microdeletions of the Y chromosome are often undetectable at karyotype and are responsible for the loss of genes which compose the AZF factor. The increase in the number of mouse models of infertility will allow the description of many human genes involved in the spermatogenesis process provided that a detailed analysis of their genotype–phenotype relationships is performed.

Introduction

L’infertilité masculine, longtemps ignorée voire niée, est maintenant reconnue comme étant à l’origine de près de la moitié des infertilités de couple, en association ou non avec un facteur causal féminin. Les progrès dans la reconnaissance et l’exploration des infertilités chez les hommes sont étroitement liés aux possibilités techniques de les traiter, possibilités qui sont apparues il y a une trentaine d’années avec l’insémination avec sperme de donneur (IAD) et plus récemment, avec les techniques d’aide médicale à la procréation (AMP) et notamment, l’injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). Cette dernière méthode, par le maintien de la filiation biologique qu’elle offre, a vraiment révolutionné le traitement de l’infertilité masculine et a permis le développement d’une recherche active visant à en déterminer les causes, notamment les causes génétiques.

La complexité de la spermatogenèse humaine laisse entrevoir qu’un grand nombre de gènes doit être impliqué dans ce processus, le dérèglement d’un seul d’entre eux pouvant potentiellement conduire à un phénotype d’infertilité par diminution drastique ou arrêt de la production de spermatozoïdes. En comparant les tailles respectives des génomes chez l’homme et la drosophile et en observant les mutations qui, dans cette dernière espèce, conduisent à une infertilité chez les mâles, il est possible d’estimer à plusieurs milliers le nombre de gènes dont le dysfonctionnement est capable d’entraîner une atteinte de la spermatogenèse humaine [1]. Ce chiffre très élevé tient compte du fait qu’un phénotype d’infertilité peut traduire uniquement un effet pléïotrope de certaines mutations, c’est-à-dire un simple effet secondaire induit par une atteinte de l’état général par exemple. Il est donc important que des corrélations génotype–phénotype strictes puissent être établies, notamment lors de l’interprétation des biopsies testiculaires chez l’homme, pour faire la liaison avec certains modèles animaux d’infertilité dans lesquels un gène d’intérêt précis a pu être incriminé [2], [3], [4], [5], [6].

Section snippets

Anomalies génétiques et contrôle hormonal de la spermatogenèse

Toute anomalie du contrôle hypothalamo-hypophysaire de la spermatogenèse est susceptible d’entraîner un hypogonadisme hypogonadotrope dont le caractère idiopathique (HHI) doit faire rechercher une cause génétique [7], [8] (Fig. 1). Les modes de transmission observés sont variables (autosomique dominant ou récessif, récessif lié à l’X) et les gènes actuellement connus n’expliquent que 20 % des HHI.

Chez le garçon, le syndrome de Kallmann associe classiquement un hypogonadisme et une anosmie par

Anomalies chromosomiques et troubles de la production des spermatozoïdes

Par leur fréquence, les anomalies du caryotype représentent la cause génétique majeure de défaut de production des spermatozoïdes. Elles peuvent être classées en deux grandes catégories, celles affectant le nombre des chromosomes ou aneuploïdies et celles touchant leur structure. Si certaines d’entre elles sont associées à un syndrome clinique particulier, d’autres peuvent se révéler uniquement par un phénotype d’infertilité. Un très grand nombre d’études a trait à l’incidence de ces anomalies

Un cas à part : le chromosome Y et ses microdélétions

Bien que de petite taille et de faible colorabilité par les techniques classiques de cytogénétique, le chromosome Y a été décrit comme étant le siège d’anomalies de structure. Si ces dernières respectent le facteur de déterminisme testiculaire ou TDF, situé à l’extrémité du bras court, le diagnostic de ces anomalies est invariablement fait chez des hommes consultant pour des bilans d’infertilité. On peut voir ainsi des chromosomes Y délétés dans leur bras long (Yq-), des chromosomes Y en anneau

Infertilité masculine et souris mutantes

Actuellement, plus de 200 modèles de souris mutantes, pour lesquels existe un phénotype d’infertilité, ont été répertoriés [6]. Parmi eux, environ 80 s’accompagnent exclusivement d’une infertilité mâle et environ 70 touchent les deux sexes. Plutôt que de faire un catalogue exhaustif de ces modèles, pour lesquels des revues récentes sont parues [1], [2], [3], [4], [5], [6], [99], il est important de souligner l’intérêt mais aussi les limites d’une telle approche.

Devant servir de modèle pour

Conclusion

En conclusion, la recherche des causes génétiques d’anomalies de la spermatogenèse présente de multiples intérêts. La mise en évidence d’une anomalie génétique peut permettre une prise en charge rapide des patients par AMP en leur évitant de nombreux examens inutiles, voire des traitements illusoires. Elle permet également de réaliser un conseil génétique éclairé visant à déterminer les risques de transmission de l’anomalie à la descendance avec les éventuels handicaps qui peuvent en découler.

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