Point de vue d’expert
Relations entre endométriose et algie pelvienne chronique : quel est le niveau de preuve ?Endometriosis and pelvic pain: Epidemiological evidence of the relationship and implications

https://doi.org/10.1016/j.gyobfe.2008.08.016Get rights and content

Résumé

La relation entre les algies pelviennes chroniques (APC) et l’endométriose est mal comprise, en raison de la banalité des symptômes douloureux chez des femmes indemnes de pathologie et de l’existence de formes asymptomatiques d’endométriose. Notre revue systématique a pour but de clarifier le lien entre les caractéristiques des lésions d’endométriose et la sémiologie des APC. Chez des femmes qui présentent une endométriose diagnostiquée, cette maladie ne serait en fait responsable des APC que dans un peu plus d’un cas sur deux. Il existe une association bien documentée entre la dysménorrhée sévère et l’endométriose, probablement de nature causale. La dysménorrhée sévère ne semble pas liée à un type particulier de lésion, ni à une localisation particulière, elle est provoquée par des microsaignements menstruels récidivants, au sein des lésions. En ce qui concerne les autres symptômes douloureux, il existe des arguments histologiques et physiopathologiques en faveur de la responsabilité de l’endométriose sous-péritonéale profonde (EP) sur leur genèse. Ces douleurs sont en rapport avec la compression ou l’infiltration des nerfs de l’espace pelvi-sous-péritonéal par les lésions d’EP. De ce fait, les symptômes douloureux causés par l’EP présentent des caractéristiques particulières. Elles sont spécifiques de l’atteinte d’une localisation anatomique précise (dyspareunie sévère, douleur à la défécation) ou d’un organe précis (signes fonctionnels urinaires, signes digestifs). Ces symptômes peuvent ainsi être qualifiés de « douleurs localisatrices ». L’analyse sémiologique précise des caractéristiques des APC est utile pour la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’endométriose dans le cadre des APC. L’utilisation d’autoquestionnaires standardisés peut apporter une aide à cette analyse. Les traitements médicamenteux hormonaux sont généralement efficaces sur l’ensemble des symptômes douloureux en rapport avec les lésions d’endométriose comportant du tissu glandulaire actif.

Abstract

The relationship between chronic pelvic pain symptoms and endometriosis is unclear because painful symptoms are frequent in women without this pathology, and because asymptomatic forms of endometriosis exist. Our comprehensive review attempts to clarify the links between the characteristics of lesions and the semiology of chronic pelvic pain symptoms. Based on randomized trials against placebo, endometriosis appears to be responsible for chronic pelvic pain symptoms in more than half of confirmed cases. A causal association between severe dysmenorrhoea and endometriosis is very probable. This association is independent of the macroscopic type of the lesions or their anatomical locations and may be related to recurrent cyclic microbleeding in the implants. Endometriosis-related adhesions may also cause severe dysmenorrhoea. There are histological and physiopathological arguments for the responsibility of deeply infiltrating endometriosis (DIE) in severe chronic pelvic pain symptoms. DIE-related pain may be in relation with compression or infiltration of nerves in the subperitoneal pelvic space by the implants. The painful symptoms caused by DIE present particular characteristics, being specific to involvement of precise anatomical locations (severe deep dyspareunia, painful defecation) or organs (functional urinary tract signs, bowel signs). They can thus be described as “location indicating pain”. A precise semiological analysis of the chronic pelvic pain symptoms characteristics is useful for the diagnosis and therapeutic.

Introduction

L’existence d’une relation entre les algies pelviennes chroniques (APC) et l’endométriose est largement acceptée [2] ; cependant cette relation intuitive reste mal étayée. D’un côté l’endométriose est retrouvée fréquemment chez des femmes asymptomatiques bénéficiant d’une cœlioscopie pour un autre motif que la douleur (par exemple, pour une ligature tubaire) [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9], [10], [11]. De l’autre, les APC sont fréquentes en population générale : une étude menée aux États-Unis a ainsi montré que 90 % des femmes souffraient de dysménorrhées, 42 % de dyspareunie profonde et 39 % de douleurs chroniques non menstruelles [12]. Nous avons retrouvé des chiffres similaires chez des Françaises [13]. Ainsi, chez les femmes présentant des APC et chez qui l’on diagnostique de l’endométriose, celle-ci ne sera pas toujours la cause des symptômes douloureux (Fig. 1) [14].

Comme il n’y a, à l’heure actuelle, aucun critère de certitude pour déterminer si la douleur d’une patiente est causée ou non par de l’endométriose, certains recommandent l’ablation méticuleuse de toutes les lésions (d’endométriose ou d’autres pathologies) retrouvées lors d’une cœlioscopie pratiquée pour douleur [14], [15]. Cependant, le traitement chirurgical complet de l’endométriose peut être mutilant et risqué, en particulier en cas d’endométriose sous-péritonéale profonde (EP) [16], [17], [18], [19], [20], [21]. Ce qui en conduit d’autres à proposer des exérèses limitées associées au recours large au traitement médical [22], [23]. La meilleure stratégie thérapeutique de l’endométriose dans un contexte de douleur doit ainsi être déterminée individuellement pour chaque patiente. Il nous semble donc essentiel avant de proposer une thérapeutique, quelle qu’elle soit, d’essayer de déterminer si le traitement va permettre de guérir la douleur dont souffre la patiente.

Pouvoir identifier les caractéristiques des lésions d’endométriose responsable de douleurs ainsi que les mécanismes physiopathologiques en cause nous permettrait de proposer des critères utiles pour le choix thérapeutique.

Le but de cette revue est d’établir le niveau de preuve de la relation entre les APC et l’endométriose ainsi que des mécanismes physiopathologiques possibles et de clarifier le lien entre les caractéristiques des lésions d’endométriose et la sémiologie des symptômes douloureux.

Section snippets

Définition et évaluation des symptômes douloureux pelviens

Les APC sont définies par l’existence de symptômes douloureux pelviens anormaux, spontanés ou provoquées, cycliques ou non cycliques. Cette définition [24], [25], [26] doit inclure les dysménorrhées sévères, la dyspareunie profonde et tous les autres symptômes douloureux localisés dans les territoires neuroanatomiques référés du pelvis.

La mise en évidence d’une relation entre l’endométriose et les APC va dépendre de la manière dont sont évaluées les algies. À titre d’exemple dans une étude

Enquêtes d’observation

S’agissant des études comparant les femmes opérées pour des APC à celles opérées de ligature tubaire, les résultats sont discordants. Les deux études les plus anciennes retrouvent une association entre endométriose et APC [10], [11]. Mais dans ces études ni l’exploration du pelvis, ni les critères du diagnostic macroscopique de l’endométriose n’étaient standardisés. Dans l’étude la plus récente, non seulement le diagnostic macroscopique d’endométriose était standardisé, mais une confirmation

Explications physiopathologiques

Les études randomisées contre placebo démontrent de manière indiscutable que la maladie endométriosique en général est responsable d’APC. Ces études démontrent a contrario que des lésions d’endométriose diagnostiquées lors d’une cœlioscopie pratiquée dans un contexte d’algies pelviennes ne sont pas automatiquement la cause des symptômes douloureux dont se plaignent les patientes (Fig. 1). Les lésions d’endométriose pourraient être effectivement responsables des symptômes douloureux dans plus de

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      One retrospective study demonstrated that dysmenorrhea was the most common complaint in patients with bladder endometrioma and only 40% had urinary symptoms [7]. Because 50% of women with DIE have chronic pelvic pain [8], it is difficult to predict underlying bladder endometriosis if they are asymptomatic or only with dysmenorrhea like our present case. For those with hematuria, dysuria, tenesmus, diarrhea or dyschezia during menstruation, ESHRE recommends that clinicians should assess ureter, bladder and bowel involvement by additional imaging modalities if there is a suspicion of DIE, in preparation for further management [5].

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    Ce texte est une adaptation française, avec mise à jour, de l’article « Endometriosis and pelvic pain: Epidemiological evidence of the relationship and implications » paru dans Human Reproduction Update [1].

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