Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction
Travail originalAdministration d’ocytocine au cours du travail en France. Résultats de l’enquête nationale périnatale 2010Oxytocin administration during labor. Results from the 2010 French National Perinatal Survey
Introduction
L’ocytocine de synthèse est utilisée depuis plusieurs décennies pour le déclenchement et la stimulation du travail. L’effet attendu de l’utilisation de l’ocytocine est une augmentation de la fréquence et de l’intensité des contractions utérines dans le but d’accélérer la progression du travail. La stimulation du travail par l’ocytocine est le traitement de la dystocie dynamique, définie comme un défaut de progression du travail due à une insuffisance de la contractilité utérine [1], [2], [3]. L’objectif de cette pratique est donc de limiter le nombre de césariennes pour absence de progression du travail, une cause importante de césarienne en cours de travail [4].
Récemment, une méta-analyse de la Cochrane collaboration a fait la synthèse des essais randomisés ayant étudié l’impact de l’ocytocine pour le traitement des anomalies de progression de la première phase du travail [5]. Elle a conclu, au vu des données disponibles, à un raccourcissement de la durée du travail mais sans impact significatif sur la fréquence de la césarienne. De plus, ces bénéfices incertains sont à mettre en balance avec la possibilité d’effets secondaires de l’administration d’ocytocine pendant le travail. En effet, cette administration a été associée à une augmentation dose-dépendante du risque d’hémorragie grave du post-partum et ce dès l’utilisation de doses modérées [6], ainsi qu’à une augmentation du risque d’hyperstimulation utérine [7], exposant les mères et les fœtus au risque d’hypoxie fœtale et de césarienne pendant le travail.
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a émis en 2008 des recommandations pour la pratique clinique concernant le déclenchement du travail par l’ocytocine mais ces recommandations n’abordent pas la question de la stimulation du travail, qui reste ainsi une pratique non encadrée [8].
Il existe très peu de données documentant la fréquence de l’utilisation de l’ocytocine au cours du travail en population. En France, les données de l’étude Pithagore6 conduite en 2005–2006 dans six réseaux de périnatalité français suggéraient cependant que cette pratique concernait la majorité des parturientes [6].
Les objectifs de notre étude étaient d’une part, d’estimer la fréquence de l’administration d’ocytocine pendant le travail en France, globalement, dans une population de parturientes à bas risque obstétrical et, dans le sous-groupe particulier des femmes ayant un antécédent de césarienne et, d’autre part, d’identifier les facteurs associés à cette utilisation en distinguant les caractéristiques individuelles des femmes et les caractéristiques des maternités. Cette analyse a été conduite à partir des données de l’Enquête Nationale Périnatale 2010 (ENP 2010), qui repose sur un échantillon représentatif des naissances en France [9].
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Patientes et méthodes
L’ENP 2010 a porté sur la totalité des naissances vivantes ou de mort-nés d’au moins 500 g ou 22 semaines d’aménorrhée, survenues pendant une semaine dans toutes les maternités en France [9]. Les données relatives à l’accouchement, à l’état de santé des mères et des enfants ont été collectées à partir des dossiers médicaux. Les caractéristiques sociodémographiques des femmes ont été obtenues lors d’un entretien auprès des mères durant leur séjour en maternité. Les informations concernant le lieu
Résultats
La Fig. 1 montre la fréquence d’utilisation de l’ocytocine pendant le travail dans les différentes populations étudiées.
Parmi l’ensemble des femmes en travail en France métropolitaine, 8203 (64 %) ont reçu de l’ocytocine pendant le travail, 2684 (21 %) pour le déclenchement et 5508 (43 %) en cours de travail après un début de travail spontané. Parmi les femmes entrées en travail spontanément, 58 % ont reçu de l’ocytocine secondairement pendant le travail. Chez les femmes à bas risque
Discussion
Les résultats de cette analyse montrent que l’administration d’ocytocine pendant le travail est une pratique qui concerne environ deux tiers des femmes en travail en France métropolitaine. Le statut privé et dans une moindre mesure la petite taille des maternités sont indépendamment associés à cette pratique dans une population de femmes à bas risque en travail spontané avec péridurale. Pour les primipares en travail spontané avec péridurale, l’antécédent de césarienne est associé à un recours
Conclusion
L’administration d’ocytocine au cours du travail est une pratique très fréquente en France, probablement au-delà des indications classiques. Cette situation rend nécessaire une évaluation des modalités de son utilisation, c’est-à-dire à la fois des indications mais aussi des doses utilisées, afin de réserver cette intervention, non dénuée d’effets associés néfastes, aux situations où son rapport bénéfices-risques est favorable.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Remerciements
L’enquête nationale périnatale a été financée en grande partie par le ministère de la Santé. Elle a été réalisée grâce à la participation des services de protection maternelle et infantile, à l’ensemble des personnes impliquées dans le recueil des données et à toutes les femmes qui ont accepté de répondre aux questionnaires.
Références (24)
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Level of perinatal care of the maternity unit and rate of cesarean in low-risk nulliparas
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Oxytocin during labour and risk of severe postpartum haemorrhage: a population-based, cohort-nested case-control study
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Factors associated with the choice of delivery without epidural analgesia in women at low risk in France
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Evaluation of the implementation of a protocol for the restrictive use of oxytocin during spontaneous labor
2020, Journal of Gynecology Obstetrics and Human ReproductionCitation Excerpt :Its use for augmentation of labor has spread through Friedman's work on the curves of normal dilation of labor, with wide variations between 20% and 70% of women in spontaneous labor [2,3]. In France, oxytocin was used for 58% of women in spontaneous labor in 2010 and 71% of women in spontaneous labor with epidural analgesia at low obstetrical risk [4]. These rates may be excessive since they are higher than reported in other European countries such as the United Kingdom, the Netherlands, Denmark or Sweden, where the rates are between 20 and 30% [5–8].
Postpartum hemorrhage: incidence, risk factors, and causes in Western French Guiana
2019, Journal of Gynecology Obstetrics and Human ReproductionCitation Excerpt :In contrast, administration of oxytocin during spontaneous labor did not appear to be linked to IPPH. According to the results from the 2010 Perinatal Study, oxytocin was administered to 58% of laboring women [19]. In our population, only 18.6% of patients in spontaneous labor received oxytocin.
Administration of oxytocin during spontaneous labour: A national vignette-based study among midwives
2018, MidwiferyCitation Excerpt :This intervention to normal physiology is commonplace in many countries. The 2010 French perinatal survey reported that 58% of women with spontaneous labour received oxytocin during labour (Belghiti et al., 2013). In the United States, data from the Consortium for Safe Labour for 2002–2008 showed that synthetic oxytocin for augmentation was used for 45% of women (Zhang et al., 2010).
Oxytocin administration during spontaneous labor: Guidelines for clinical practice. Introduction and methodology
2017, Journal of Gynecology Obstetrics and Human ReproductionCitation Excerpt :In 2008, the French national authority for health (HAS) issued Clinical Practice Guidelines about induction of labor with oxytocin, but these guidelines did not consider the issue of augmentation of labor, despite the widespread use of this practice. In 2010, 58% of the women in spontaneous labor in France received oxytocin [2]. In North America, this substance is listed as a potentially dangerous medication that can induce serious consequences [3].
Oxytocin administration during spontaneous labor: Guidelines for clinical practice. Guidelines short text
2017, Journal of Gynecology Obstetrics and Human ReproductionOxytocin administration during spontaneous labor: Guidelines for clinical practice. Chapter 2: Indications of oxytocin according the first and second stages of spontaneous labor
2017, Journal of Gynecology Obstetrics and Human Reproduction