Elsevier

Revue Neurologique

Volume 169, Issue 12, December 2013, Pages 956-964
Revue Neurologique

Mémoire
Prévalence et facteurs sociodémographiques associés à l’insomnie et au temps de sommeil en France (15–85 ans)Insomnia and total sleep time in France: Prevalence and associated socio-demographic factors in a general population survey

https://doi.org/10.1016/j.neurol.2013.02.011Get rights and content

Résumé

Introduction

La qualité du sommeil a un impact fort sur la santé. L’objet de cette étude est de quantifier le temps de sommeil et la prévalence de l’insomnie chronique dans la population des 15 à 85 ans et d’explorer les facteurs associés à cette pathologie.

Méthode

Dans le cadre du Baromètre santé 2010, enquête en population générale, 27 653 individus de 15 à 85 ans ont été interrogés.

Résultat

Le temps de sommeil moyen des 15 à 85 ans est de 7 heures 13, plus élevé pour les femmes que pour les hommes (7 heures 18 vs 7 heures 07 ; p < 0,001), tandis que 15,8 % des 15 à 85 ans présentent une insomnie chronique. La part d’insomnie chronique est stable avec l’âge parmi les femmes, tandis qu’elle augmente chez les hommes jusqu’à 45 à 54 ans, avant de diminuer au-delà. Elle est liée au fait d’être une femme, à des situations de précarité, à certains événements de vie difficiles tels que les violences subies ou encore à l’alcoolisation à risque chronique. Les troubles du sommeil déclarés sur les 8 derniers jours apparaissent en hausse par rapport à 1995, avec une stabilisation depuis 2000 à un niveau élevé.

Conclusions

Ces résultats justifient la mise en œuvre d’actions de prévention et d’éducation à la santé visant à aider la population à préserver un sommeil de qualité.

Abstract

Introduction

Sleep is considered as a major protective factor for good health and quality of life. The epidemiology of chronic insomnia and other sleep disorders has recently been developed in France. The aim of this study was to evaluate total sleep time and the prevalence of chronic insomnia in the general population aged 15 to 85 years. It was also to investigate factors associated with sleep disorders.

Methods

Within the framework of the Health Barometer 2010, a French general population survey, 27,653 15 to 85-year-old individuals were questioned about their health behaviors and attitudes, in particular about their sleeping time and habits.

Results

The average sleeping time of the 15 to 85-year-old was 7 hours 13 minutes. It was higher for women than for men (7 hours 18 minutes vs 7 hours 07 minutes; P < 0.001), whereas 15.8 % of the population presented criteria for chronic insomnia, 19.3 % of women and 11.9 % of men (P < 0.001). The prevalence of chronic insomnia was stable with age among women, around 19 %, whereas it increased for men from 3 % in the 15–19-year age range to 18 % in the 45–54-year age range, before decreasing to 8 % beyond 65 years. Chronic insomnia was also found to be related to precarious situations and to several difficult events of life such as violence or chronic alcohol abuse, whereas the relationship observed with tobacco smoking was no longer found after logistic regression adjustment for socio-demographic characteristics. Since the beginning of 1990s, a single-question inquiry on “sleeping problems present during the last 8 days” has been asked in the Health Barometer. The rate of subjects concerned increased from 1995, with a prevalence stabilized at a high level since 2000.

Conclusions

Based on these data, we think that the surveillance of sleep disorders is an important public health issue and that prevention and health educational initiatives should be launched in the general population to promote a better quality of sleep.

Introduction

De nombreux travaux ont montré le rôle fondamental du sommeil sur la santé, le bien-être et l’équilibre physique et psychologique des individus à tous les âges de la vie (Giordanella, 2006). Il constitue un important facteur de protection de l’état de santé. À l’inverse, les troubles du sommeil ont des conséquences sur le fonctionnement de l’organisme et du psychisme, et de ce fait sur la vie sociale et professionnelle, telles que l’absentéisme ou les accidents de la route et du travail liés à la somnolence (Léger et al., 2002, Godet-Cayre et al., 2006, Léger et al., 2006). Si une majorité des Français dort environ sept heures par jour (Léger et al., 2011), cette durée ne peut toutefois pas être considérée comme une norme prophylactique, dans la mesure où certains individus ont besoin de neuf heures de sommeil quotidien, lorsque d’autres, plus rarement, peuvent se contenter de cinq heures sans retentissement particulier sur la journée suivante. Cependant, ces durées extrêmes sont rares et la plupart des adultes trouvent leur compte de sommeil en dormant entre sept et huit heures la veille des jours de travail et huit à neuf heures la veille des jours de repos.

Le sommeil est essentiel à la préservation des capacités cognitives et motrices, à l’ajustement de nombreuses sécrétions hormonales ainsi qu’à la restauration du système immunitaire ou encore au repos du système cardiovasculaire. Un manque ponctuel de sommeil se rattrape aisément, mais un manque chronique est susceptible de favoriser, entre autres pathologies, l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, ainsi que des troubles de l’humeur ou du comportement (NIH, 2005). Des études récentes ont d’ailleurs établi un lien entre durée de sommeil et espérance de vie (Gallicchio et Kalesan, 2009). Il apparaît ainsi particulièrement important d’assurer une surveillance épidémiologique des comportements de la population en matière de sommeil. Si les enquêtes françaises en population générale comportant une ou des questions sur les troubles du sommeil sont nombreuses (Chan-Chee et al., 2011), permettant parfois de suivre des évolutions (Beck et al., 2009), les enquêtes représentatives s’appuyant sur des outils permettant de mesurer de façon fiable l’insomnie selon les critères définis par l’American Academy of Sleep Medicine sont plus rares (Léger et al., 2000).

La connaissance épidémiologique du sommeil et de ses troubles repose depuis quelques années sur des outils standardisés, mais n’en demeure pas moins complexe, notamment parce que le temps moyen de sommeil nécessaire par nuit peut varier nettement d’un individu à l’autre, ce qui rend difficile la fixation d’un seuil de référence. Dans ce souci, un module complet sur le sommeil construit en collaboration avec l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) a été incorporé au questionnaire du Baromètre santé 2010 de l’Inpes, enquête en population générale. L’objectif de cet article est, d’une part, de quantifier le temps de sommeil et la prévalence de l’insomnie dans la population des 15 à 85 ans et d’explorer les facteurs associés à cette pathologie, en termes de facteurs sociodémographiques, d’événements de vie, de violences subies, d’état de santé et de conduites addictives. D’autre part, dans la mesure où le module sur le sommeil a été posé pour la première fois en 2010, il s’agira de suivre les évolutions de prévalence des troubles du sommeil dans les 8 derniers jours, par rapport aux Baromètres santé antérieurs, évalués à partir de questions sur le sommeil issues d’une échelle de qualité de vie posée depuis 1995 (Parkerson et al., 1990).

Section snippets

Méthode

Depuis le début des années 1990, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) mène, en partenariat avec de nombreux acteurs de santé, une série d’enquêtes appelées Baromètres santé, qui abordent les différents comportements et attitudes de santé des Français (Guilbert et al., 2001, Beck et al., 2007). Ces enquêtes sont des sondages aléatoires à deux degrés (ménage puis individu) réalisés à l’aide du système de collecte assistée par téléphone et informatique (CATI). Le

Temps de sommeil selon l’âge et le sexe

En 2010, le temps de sommeil moyen des 15 à 85 ans est 7 heures 13, plus élevé pour les femmes que pour les hommes (7 heures 18 vs 7 heures 07 ; p < 0,001), et le temps médian est de 7 heures 20 (7 h 30 pour les femmes et 7 heures 15 pour les hommes). Un quart de la population dort moins de 6 heures 29 par jour (22,9 % des femmes, 28,1 % des hommes) tandis qu’à l’opposé, un quart dort plus de 8 heures 00 par jour (27,8 % des femmes, 22,9 % des hommes).

Selon l’âge, la courbe du temps de sommeil suit une

Discussion

Le temps de sommeil moyen observé dans le Baromètre santé apparaît assez court, mais comparable à celui observé en population adulte lors des études annuelles de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV, 2012). L’étude confirme cependant un décalage parfois important entre le temps de sommeil dont les individus estiment avoir besoin et leur temps de sommeil réel. Ce résultat n’est en revanche pas comparable à celui de l’enquête emploi du temps de l’Insee qui observe une durée

Conclusion

Au-delà du temps de sommeil et de l’insomnie chronique, d’autres indicateurs, tels que la satisfaction de son propre sommeil ou encore la dette de sommeil, fournissent un regard complémentaire sur le sommeil de la population. La qualité et la quantité du sommeil s’avèrent très dépendantes de la bonne synchronisation de l’horloge biologique avec les horaires de coucher et de lever. Cette synchronisation se trouve fréquemment perturbée chez les jeunes adultes (qui ont tendance à retarder leurs

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (28)

  • F. Beck et al.

    Baromètre santé 2010, attitudes et comportements de santé

    (2010)
  • F. Beck et al.

    Baromètre santé 2005, attitudes et comportements de santé

    (2007)
  • F. Beck et al.

    Les troubles du sommeil en population générale

    Med Sci (Paris)

    (2009)
  • J.D. Edinger et al.

    Derivation of research diagnostic criteria for insomnia: report of an American Academy of Sleep Medicine Work Group

    Sleep

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  • Cited by (46)

    • Relationship between genetic polymorphisms of cytokines and self-reported sleep complaints and habitual caffeine consumption

      2023, Sleep Medicine
      Citation Excerpt :

      One of the first epidemiological study on the French population aged between 18 and 65 years has indicated that 46.2% reported sleep complaints in the last 8 days, and 12.5% were severe complaints, using sleep items extracted from two questionnaires related to heath profile and quality of life [9]. The same researcher group identified thereafter that the average sleeping time of the 15 to 85-year-old among a French general population was 7 h 13 min, and that 15.8% of the population presented criteria for chronic insomnia [35]. Our results on a French working population aged 18–60 years thus broadly confirm these studies, with the exception of a lower prevalence of insomnia compared to Beck et al. [35], probably related to our population whose age limit is 60 years (vs. 85 years in Ref. [35]).

    • Smoking and incidence of insomnia: a systematic review and meta-analysis of cohort studies

      2021, Public Health
      Citation Excerpt :

      The association was not significant in Europe. Consistent with our result, several prior studies25,42 showed that there was no significant association between smoking and insomnia in Europe. Differences in living habits, social atmosphere, and genes might contribute to different results between areas.

    • The mediating effects of perceived cognitive disturbances on reported sleep disturbance, presenteeism, and functional disability in Japanese adult workers

      2021, Journal of Affective Disorders Reports
      Citation Excerpt :

      One consequence of presenteeism is a decrease in quality of life (Lopes et al., 2018; Tsuji et al., 2018). The quality of sleep also affects quality of life (Beck et al., 2013). In most workers, insomnia and presenteeism affect workplace costs (Kessler et al., 2011; Swanson et al., 2011).

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    Enquête Baromètre santé 2010 de l’Inpes, France.

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