L'HABITAT WITOTO : « PROGRÈS » ET TRADITION
par Jurg GASCHÉ
Comme tout phénomène social, l'habitat peut être saisi par des biais multiples, différents. Mon enquête sur le terrain chez les Witoto n'était pas particulièrement orientée vers ce thème. Les informations qui le concernent et qui se trouvent consignées dans mes carnets de terrain sont par conséquent souvent hétéroclites et incomplètes ; elles permettent néanmoins d'aborder le sujet sous des angles divers qui convergent vers une compréhension globale mais non exhaustive de l'habitat witoto.
La première moitié de mon travail (1.-6.) présente l'habitat — ses implications à la fois matérielles, spatiales et sociales — comme un phénomène évolutif et dynamique ; la seconde (7.-8.) — plus marquée par les modèles traditionnels de la description ethnographique — est consacrée plus particulièrement à la grande maison plurifamiliale, la maloca, à ses aspects matériel et architectural, et au sens dont la pensée witoto la charge.
1. J'ai séjourné chez les indiens Witoto du rio Igaraparaná (Amazonie colombienne) d'août à novembre 1969 et de février à avril 1970, au cours d'une mission ethnographique financée par le Fonds National Suisse pour la Recherche Scientifique, la « Werner Reimers Stiftung fur anthropogenetische Forschung » (Bad Homburg, RFA) le C.N.R.S. français, et la « Smithsonian Institution », (Washington). Compte rendu de mission, cf. Gasché J., 1971. 2. Nous utilisons un système de transcription adapté à l'alphabet espagnol : /, spirante bilabiale ; z, fricative apicodentale sourde ; Й, occlusive prépalatale sonore ; ň, nasale prépalatale ; ng, nasale vélaire ; j, spirante glottale ; b, d, g sont toujours occlusives ; i", voyelle d'arrière aux lèvres rétractées.
1. Les maisons traditionnelles.
Le type principal de maison traditionnelle des indiens Witoto x a été la maloca, la grande maison plurifamiliale. Elle abritait une patrilignée. Le père et ses fils vivaient sous le même toit avec leurs femmes et enfants et leurs sœurs célibataires. Mais en dehors de ces hommes et enfants d'une même lignée et de leurs femmes alliées, la maloca pouvait abriter des membres d'autres groupes locaux : les derniers survivants d'une lignée décimée par la guerre, décapitée de son chef, et de ce fait devenue incapable de pratiquer les fêtes avec toutes les prestations économiques impliquées, pouvaient être accueillis par une maloca, dans laquelle ils entraient avec le statut de jaVenikï (sg. jaVenima) 2 — terme
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